Les papas...

14/12/2015 21:05

Depuis la création de ce blog, j'ai uniquement parlé de ma colère, de ma douleur, de mon sentiment d'injustice...

Je n'étais pas encore en mesure de parler d'autre chose que de mes propres sentiments. 

Pourtant, il y a d'autres personnes qui sont impactées par une telle perte...Malheureusement, lorsqu'on perd un bébé, on est plongé dans le vide, on est sidéré, et on est tout simplement incapable de reconnaître la souffrance des autres; en tout cas, en ce qui me concerne (loin de moi l'idée de généraliser...).

Lorsqu'on commence à sortir la tête de l'eau on commence à se rendre compte que d'autres personnes souffrent. Différemment, mais autant que nous :

les papas.

Eux aussi viennent de perdre leur(s) bébé(s), eux aussi vont devoir faire un deuil. Comme nous, ils vont devoir faire le deuil de tous les projets qu'ils avaient pour ces futurs bébés...Mais en plus de faire le deuil, ils vont devoir être là, être forts pour leur compagne complètement déchirée par le chagrin. Et à cette terrible, intolérable perte, s'ajoute alors la peur de perdre également leur compagne; pas seulement pour des raisons médicales d'ailleurs, mais aussi pour des raisons psychologiques.

Les suites de grossesses peuvent parfois entraîner des complications, et la peur de perdre l'être aimé, alors il doit être fort et aider sa compagne à s'accrocher à la vie, il doit lui donner l'envie d'y croire encore, même si lui en doute par moment...

La perte d'un enfant peut entraîner une grave dépression, un ENORME sentiment de culpabilité chez la maman, il doit alors être fort et aider sa compagne à s'accrocher à la vie, il doit lui donner l'envie d'y croire encore, même si lui en doute par moment...

Quand je dit "il doit", ce n'est pas forcément nous qui attendons que notre homme soit fort, c'est surtout lui...Un homme se doit d'être fort, il doit protéger sa femme et ses enfants...je pense que cette idée là est inscrite dans leurs gènes (désolée pour le stéréotype...) et que donc ils doivent être forts.

Alors, comme ils doivent être forts, ils font. Ils ne passent pas du lit au canapé et du canapé au lit (comme j'ai pu le faire), ils n'arrêtent pas de se nourrir (comme j'ai pu le faire), ils ne passent pas leurs journées à pleurer et à s'isoler des autres (comme j'ai pu le faire). 

Ils reprennent le travail, ils mangent, ils dorment, ils rient, et ils nous bougent le c..... pour qu'on sorte enfin de cette torpeur qui s'est emparé de nous.

Alors c'est là que ça devient délicat...Parce qu'on se dit qu'il n'a pas autant de peine que nous, qu'il est très vite passé à autre chose alors que nous on a tellement tellement mal !!!!

Alors on se dit qu'il ne comprend pas notre chagrin...pire, il le minimise...

Alors on est en colère contre lui...et on s'éloigne..L'animosité générée par tant d'incompréhension finit par nous consumer...et on s'éloigne encore...

C'est vraiment bête car dans ces moments là, on a tellement besoin l'un de l'autre...de se parler...de se comprendre...

Mais parce qu'on interprète des comportements différents des nôtres comme de l'indifférence, on s'éloigne...

Il n'y a pas de secret, ni de baguette magique...la perte d'un enfant peut rapprocher ou éloigner... Ce qui fera la différence c'est de se parler. Pas de se calquer sur le comportement de l'autre, mais seulement se parler, se comprendre, et accepter la différence de l'autre.

Aujourd'hui, 13 mois après la perte de nos filles, je peux dire que, si j'ai pu commencer à  sortir la tête de l'eau, c'est grâce à mon compagnon. C'est parce qu'il a été fort, que moi j'ai pu me permettre d'être faible et d'accepter cette déferlante de tristesse. C'est parce qu'il m'a secouée par moment que j'ai pu sortir de mon isolement. C'est parce que j'ai vu sa peur de me perdre que je me suis raccrochée et que j'ai eu envie d'y croire encore.

Et si j'avais encore un doute sur son "indifférence", lorsque nous avons dit adieux à nos filles, j'ai pu mesurer l'ampleur de son chagrin...Et grâce à lui, ce jour là, j'ai pu être forte pour le soutenir...