Le jour où ma vie a basculé : 6 novembre 2014

02/12/2015 11:35

J'étais en arrêt de travail. Puis j'ai commencé à avoir des saignements. Ce fût ma seconde hospitalisation. J'avais également des contractions mais ne les sentais pas. Là, ils m'ont trouvé un placenta bas inséré, j'ai donc dû rester allongée à la maison. Avec le repos, les saignements se sont arrêtés.

Deux semaines plus tard, un dimanche, j'avais mal au ventre comme des gazs mais comme j'étais constipée je ne me suis pas inquiétée. J'ai aussi eu un écoulement très clair et liquide mais qui s'est arrêté. Pendant la nuit, j'ai fait un rêve qui ma réveillée :

J'étais à mon travail et les bureaux étaient déserts ; sauf un : c'était un de mes collègues dont la fille a perdu ses jumeaux l'année dernière. A mon réveil, je suis allée aux toilettes et j'ai vu que je saignais abondamment sans que ce soit hémorragique. Nous sommes partis en urgence à la maternité.

Là, on me fait un test pour savoir si j'ai fissuré la poche des eaux qui s'est avéré négatif. Le second test, lui, était positif. Là, une sage femme m'annonce que je vais accoucher. Tout s'est écroulé à ce moment là. Mes bébés n'étaient pas suffisamment avancées pour survivre à l'accouchement. Je me souviens avoir hurlé et la sage femme s'est presque jetée sur moi pour que je me calme.

Par acquis de conscience, la sage femme m'a refait un test qui s'est avéré négatif. Finalement, je n'étais pas en train d'accoucher. Ça c'était le lundi.

Ils ont pu calmer les contractions avec des perf et à l'écho mes pepettes allaient très bien. Le mardi dans la nuit, je n'ai pas bien dormi ; je recommancais à avoir des contractions dans le dos; c'était vraiement très douloureux. Le mercredi ils m'ont fait des perf + injections pour les arrêter mais sans succès. Ils ont quand même vérifié mon col qui était tonique et fermé. Une infirmière qui a vu que je m'inquiétais beaucoup est venue me rassurer en me disant que toutes mes analyses étaient bonnes et que tout allait bien. Les contractions n'agissaient pas sur le col. Ça m'a un peu rassurée et effectivement, dans la soirée du mercredi, les contractions se sont calmées.

Dans la nuit, je me suis réveillée car les douleurs sont revenues et je pensais vraiment être constipée. Je me suis levée pour essayer d'aller à la selle en me disant qu'après la douleur passerait. Et aux toilettes, je me suis rendue compte que ça ne poussait pas au bon endroit. J'ai appelé les sages femmes et elles m'ont allongées et là, le verdict est tombé : j'étais en train d'expulser Gabrielle. Tout s'est effondré. Ma fille était en train de sortir sans que je puisse rien faire. Le temps qu'ils m'amènent en salle de travail, je la sentais coincée au niveau du col et je crois même que je l'ai sentie bouger. En deux poussées elle était née. Il était 2h30 du matin le 6/11/2014.

Après la naissance de Gabrielle, les médecins ont attendu que Camille descende. Je la sentais bouger dans mon ventre et ai attendu 10 heures qu'elle vienne au monde en sachant que la faire naître lui enlèverait la vie.

Les contractions s'étaient ralenties mais en fait, elles étaient bien là, c'est juste que je ne les sentais pas. J'ai mis plus de temps à accoucher pour Camille, mais elle est née à 12h05.

Ensuite, ils m'ont laissée dans la salle de travail pour que j'expulse le placenta. Pendant ce temps, nous avons pu voir nos filles. Elles étaient à 23 SA mais elles avaient tout ce qu'il fallait extérieurement. Elles étaient magnifiques. On savait qu'elles ne nous ressembleraient pas puisqu'on avait fait un double don mais mon compagnon a trouvé qu'elles avaient son nez. J'ai aussi remarqué qu'elles avaient toutes les deux une fossette au menton. C'étaient les plus jolies petites filles du monde. Les avoir dans les bras nous apaisait, et nous a apaisés à chaque fois qu'on les avait avec nous.

Je me souviens avoir regardé par la fenêtre; il faisait un soleil magnifique pour un mois de novembre. Je me souviens m'être dit, mais "comment le soleil peutil briller à ce point ? Je viens de perdre mes filles ! C'est indécent !" 

A ce moment là, tout s'est brisé à l'intérieur de moi. La personne que j'étais est morte avec mes filles ce jour là. 

La question de savoir si j'allais aimer mes filles ne se posait plus. La douleur ressentie au plus profond de mon être a réglé définitivement la question. 

Mon état physique était préoccupant pour les médecins car le placenta ne sortait pas. Ils m'ont endormie pour faire un curetage mais sans succès.

Je suis restée jusqu'au lundi suivant à la clinique car j'étais très faible (j'avais perdu beaucoup de sang).

Organiser leurs obsèques a pris du temps car je voulais m'en occuper avec mon compagnon et comme j'étais hospitalisée, je ne pouvais pas. Finalement, ils ont vu que c'était important pour moi et m'ont laissée sortir. Pour moi, c'était le seul acte de maman que je pouvais faire pour mes filles. Acte que je ne souhaite à personne d'avoir à faire un jour.

Comme on ne leur avait rien acheté, nous sommes allés leur acheter un doudou à chacune pour les leur laisser dans le cercueil. Nous leur avons laissé une lettre chacun et une photo de nous 4 prise à la maternité. Nous avons également assisté à la mise en bière. Les laisser a été un déchirement pour nous deux. Ce jour là a été vraiment traumatisant : Mon chéri les tenait pour la dernière fois dans ses bras. Nous étions dévastés par le chagrin. Le moment où nous devions nous séparer d'elles est arrivé, mais là, mon chéri ne voulait plus leur rendre pour la mise en bierre. Il voulait les garder contre lui. Il a fallu que je lui prenne nos filles pour les donner à la sage femme. Je ne voulais pas plus que lui les laisser...ça a été terrible.

Maintenant, cela fait un an qu'elles sont parties et la douleur est toujours là. Je m'y suis habituée, c'est une vieille copine maintenant. 

Tous les moments qu'on ne vivra pas, je les vois. Je les vois dans chaque petite fille que je croise. Je les vois dans chaque chose que j'aurais pu leur acheter, dans chaque câlin que j'aurais pu leur faire.

Je ne supporte plus les femmes enceintes, leur visage serein, celui que j'avais moi aussi quand j'attendais mes filles, je ne l supporte plus. Je suis toujours en colère contre la vie et n'ai plus confiance en elle.

C'est une torture chaque jour qui passe.