J'ai voulu mourir

02/12/2015 22:09

Après la naissance de mes filles, nous étions très entourés. Nos proches étaient très inquiets pour nous. Nous, nous étions complètement sonnés. KO c'est le mot qui convient.

Une fois que mes parents sont repartis (ils habitent en région parisienne et moi dans le sud ouest) et que mon homme a repris le travail, c'est là que j'ai vraiment réalisé que je venais de perdre mes deux bébés, ceux que j'avais attendus depuis tellement longtemps.

On avait tellement galéré pour les avoir, et on nous les prenait du jour au lendemain...

C'est dans ces moments de solitude, que j'ai vraiment réalisé LA perte. La douleur s'est réveillée... Et quelle douleur...c'était un champs de ruines à l'intérieur de moi. J'avais envie de me jeter contre les murs, de me faire mal physiquement pour détourner mon attention de cette douleur qui émanait du plus profond de mon coeur. 

Jusque là, je n'y croyais pas vraiment; je me demandais même si j'avais été enceinte, si je n'avais pas rêvé. Mais cette douleur me rappelait sans cesse que ce n'était pas un cauchemar, que c'était la vraie vie.

Afin d'avoir moins mal, je me suis dit "ce ne sont pas génétiquement mes filles donc je ne dois pas avoir mal, c'est rien..." Quelle erreur !!! Bien évidemment que ce n'était pas rien ! et à la douleur d'avoir perdu mes puces, s'est ajouté la culpabilité.

Alors, j'ai voulu me punir et punir mon corps de m'avoir trahie, encore une fois. J'ai arrêté de me nourrir. Je ne voulais plus manger. Je voulais faire souffrir mon corps comme il m'avait fait souffir. Je n'allait pas le nourrir en plus !

J'étais devenue une ombre. Je vivais puisque je respirais, dormais... mais j'étais complètement morte à l'intérieur.

Puis, un mois après avoir perdu mes filles, j'ai fait une hémorragie. Les médecins n'avaient pas réussi à me retirer le placenta; ils me l'avaient laissé afin qu'il se détache tout seul mais voilà, il commençais à faire des siennes sans vouloir se détacher pour autant.

Lorsque je suis arrivée à la maternité, ils m'ont injecté un médicament afin de me provoquer des contractions; cela avait pour objectif de me libéber de ce placenta. Ce fût une nuit atroce. Un mois après la perte de mes puces, je revivais un accouchement, là où j'entendais des bébés pleurer en permanence et là où je n'entendrai jamais les miennes. Suite à la douleur et à la perte de sang, j'ai fait un état de choc. Je gisais sur le sol, le sang se deversant sans s'arrêter, j'avais des tremblements... je voyais les gens s'affairer autour de moi mais je n'entendais plus leurs paroles.

C'est là que je me suis dis "je vais enfin pouvoir voir mes filles". J'étais contente d'aller les retrouver...

Et puis à travers tous ces soignants autour de moi, j'ai croisé son regard. ça n'a duré que quelques secondes mais j'y ai vu de la peur et du désespoir. Mon homme était loin derrière mais il me regardait avec une telle frayeur que je me suis dit "il vient de perdre ses filles, je ne vais pas lui faire ce coup là !"

Je pense que c'est à ce moment là que j'ai eu le déclic. J'ai beaucoup pensé à la mort (la mienne) par la suite mais son regard ce jour là a été mon accroche.

Ce jour là, j'ai choisi de ne pas mourir, même si je n'ai pas encore choisi de vivre...