Les maladresses...Les blessures...

07/12/2015 12:44

Cet article, je ne pensais pas l'écrire, mais le deuil périnatal est tellement tabou dans notre pays que les paranges se retrouvent parfois confrontés à des situations blessantes alors qu'ils sont déjà à terre.

Je souhaite en l'écrivant, que cet article soit l'occasion d'une prise de conscience de la portée que certains propos ou comportements peuvent avoir pour des personnes qui traversent un tel deuil.

On ne pourra jamais éviter totalement  ce genre de difficultés...Mais il faut tout de même en parler :

 

Première chose à savoir : la perte d'un enfant n'est pas contagieuse. Le malheur ne s'abattra pas sur vous tel un aigle sur sa proie si vous montrez de la compassion ou si vous soutenez une famille en deuil. On se sent déjà tellement mal qu'avoir l'impression d'être contagieux n'arrange pas le sentiment d'isolement déjà bien présent.

 

Ne nous dites pas, "il ou elle est né sans vie" "au moins tu ne l'as pas connu"... C'est sûr... Mais je les ai connues mes filles quand elles étaient au creux de moi. Je sais que Gabrielle etait une coquine et que Camille était plus calme... Avant même qu'elles grandissent en moi, j'avais des envies pour elles des projets. J'imaginais déjà des moments de partage et de complicité avec elles. Donc finalement, elles existaient déjà tellement. C'est le deuil de deux enfants que nous avons dû faire, mais aussi le deuil d'une vie de famille projetée...

 

Ne nous dites pas "vous en aurez d'autres..." Les enfants ne sont pas interchangeables...Pour illustrer mon propos, demandez vous lequel de vos enfants voudriez vous sauver...Ce n'est pas possible hein? Même si j'arrive à avoir un autre enfant (et c'est pas forcément gagné) je ne verrai jamais grandir mes filles, Gabrielle et Camille. Si j'arrive à avoir un autre enfant, elles ne vont pas se réincarner en lui... Donc oui, un autre enfant m'aiderait sûrement à refaire un peu confiance à la Vie, mais il n'effacera pas le chagrin de les avoir perdues elles. J'ajouterais qu'un autre enfant ne doit pas être un enfant médicament. On n'a pas le droit de lui faire porter cela...

 

Ne nous dites pas "il faut tourner la page". Même chose : arrêtez vous d'aimer toute personne une fois qu'elle disparaît ? Pouvez-vous oublier que vous avez porté la vie et que vous avez donné la mort en leur donnant naissance ? Aurez-vous seulement envie de tourner la page ?

 

Si nous pleurons, ne nous en empêchez pas. C'est déroutant de voir pleurer une personne, on se sent impuissant face à un tel chagrin. Dites vous que si nous pleurons, c'est que nous en avons besoin. Il faut bien évacuer ce chagrin, sinon on exploserait...Soyez juste là, c'est tout.

 

Vous avez le droit (devez) prononcer leurs prénoms. ça fait du bien d'entendre leurs prénoms prononcés par d'autres que nous. Ce n'est pas du masochisme, mais entendre les prénoms que nous avons choisis pour eux c'est faire exister nos anges...Quand on perd un enfant, on a parfois l'impression que ce n'est pas réel, que c'est au cauchemar. Si on tait leur existence, c'est empêcher le deuil de se faire. Alors oui cela est douloureux d'entendre leurs prénoms mais c'est nécessaire car s'ils sont réels aux yeux des autres, c'est que ce n'est pas un cauchemar, mais la vraie vie... On peut alors commencer le deuil...commencer à accepter l'inacceptable.

 

Enfin, un tout petit peu de tact s'il vous plaît... Je sais que c'est difficile. On ne peut pas marcher sur des oeufs en permanence, et personnellement je pense que ce n'est pas rendre service que de nous traiter comme des bombes prêtes à exploser. Mais de temps en temps un peu de tact n'est pas de refus.

 

Merci de m'avoir lue.