La reprise du travail

04/12/2015 12:00

Après mon hémorragie, j'étais très faible. J'avais peu de forces, et donc j'étais obligée de rester chez moi.

J'étais en congé maternité, normalement jusqu'en juillet 2015. Je ne supportais pas d'être en congé maternité alors que j'avais perdu mes bébés. 

Je voulais reprendre le travail, car à la maison mes idées tournaient en boucle. Je n'arrêtais pas de penser à mes bébés, au manque...J'avais besoin de m'occuper l'esprit.

J'ai contacté mon boulot pour leur demander si je pouvais reprendre...Seulement mon médecin ne voulais pas que je reprenne à temps complet car ma santé ne me le permettait pas.

J'avais accumulé beaucoup de jours de congés et RTT pour m'occuper de mes filles, mais finalement ces jours m'ont permis de reprendre à temps partiel. J'ai commencé par 3 jours par semaines.

Le jour de ma reprise, j'étais très angoisée. J'avais peur des gens; de croiser leurs regards. Encore maintenant j'ai du mal à comprendre pourquoi j'avais si peur du regard des autres.

Mes responsables et mes collègues ont été géniaux. Je n'aurais pas pu avoir de meilleur accueil. Mes collègues m'avaient mis un petit bouquet de jonquilles sur mon bureau et m'avaient prévu un petit déjeuner. Comme on est un petit service, cela m'a fait plaisir et surtout, nous n'avons pas parlé de mes filles.

Malgré cet accueil très bienveillant, je n'ai pas bien vécu ma reprise. J'avais honte. Je rasais les murs et évitais le plus possible de sortir de mon service car je ne voulais pas croiser trop de personnes. 

En plus de mon état émotionnel, physiquement c'était dur. Finalement, d'avoir démarré par 3 jours de travail, c'était une bonne chose. Je rentrais chez moi complètement épuisée.

Malgré l'accueil adorable de mes collègues ce fût très dur.

Quand on est à la maison, qu'on ne voit personne, on est dans une bulle. Le temps s'est arrêté dans cette bulle. On est protégé finalement. Quand on revient dans la vie réelle, on est confronté à la réalité, aux réactions des gens qui, sans le vouloir, peuvent être blessant.

Le lendemain de ma reprise, on m'a fait passer une enveloppe pour participer à un cadeau pour une collègue qui partait en congé maternité. ça m'a fait mal, mais j'ai participé car je me suis dit que cette collègue n'avait rien à voir avec ce qui m'était arrivé. ça aurait pu en  rester là, mais comme j'avais mis mon nom sur l'enveloppe, on est venu me demander si je voulais écrire un mot à ma collègue...J'ai fait bonne figure, j'ai dû prendre énormément sur moi à ce moment là, mais j'ai dit très calmement que je n'étais pas en mesure de le faire.

Par contre, une fois la personne partie, j'ai craquer. Ma chef, qui avait assisté de loin à la scène, m'a dit d'aller prendre l'air. Puis elle m'a dit qu'elle avait laissé faire car la vie se chargerait de me faire ce genre de coups et qu'il fallait que je m'y prépare.

Dur apprentissage, mais elle a raison...

On ne peut pas demander aux gens de marcher sur des oeufs en permanence avec nous, car de toutes façon, ils n'y arriveront pas (en tout cas pas tout le temps) et on ne peut pas leur demander de s'excuser d'avoir des enfants bien vivants et d'être heureux...

Si on ne peut pas leur demander ça, c'est à nous de nous blinder pour faire face à tout ça... Eh oui, après nous avoir bien démolis, la vie nous donne encore quelques coups histoire d'enfoncer le clou. 

J'essaie de me blinder, encore maintenant, mais j'ai peur de devenir aigrie. J'ai peur de devenir une personne qui ne supporte plus les gens.

Toute cette colère qu'il y a en moi, ce sentiment d'injustice, ce vide incommensurable vont finir par me consumer.